Quelques mots sur « BACK FROM THE START »

     Il y a plusieurs façons de se débarrasser de quelqu’un, selon que vous êtes, admettons, tueur à gages, écrivain ou auteur de chansons. On ne saura jamais – c’est le principe – si « Back from the start » de FERGESSEN s’adresse à quelqu’un de particulier, mais si oui, je n’aimerais pas être à sa place. Parce qu’il y a plus fort que la vengeance, la rancœur et le ressentiment, il y a les mots froids, réfléchis, assénés comme on énonce une vérité qui fait mal, en se regardant les ongles.

     David et Michaela, en théâtre d’ombres et jeux de lumières, unissent leurs voix comme ils ont sans doute, à un moment, uni leurs forces pour remonter, puisqu’il s’agit là du thème : re-commencer, repartir du début. Bien que de début, il n’y ait jamais, quand on y pense : tous les retours sont éternels, cycliques, mais on n’est jamais le même quand on redémarre.

     Le duo reprend la voix, reprend la main et, dans une danse hypnotique, une incantation, renvoie le malotru là où il n’abusera plus jamais d’eux, ni de quiconque, une fois la damnation prononcée : la peur, disent-ils d’une même et unique voix, reconnaissable entre mille, est ce dont ils ont le plus peur, mais ni les regrets ni les arrière-pensées ne sont leur lot. Alors ils évacuent, et la danse devient chamanique.        

     Le châtiment est prononcé, chacun, comprenant ses mots, se verra confronté à ses propres manquements, aux paroles qu’on a trahies, aux lâchetés que l’illusion de notre omniscience a parfois autorisées.

     Dans le cocon des drapés qui s’agitent, Michaela et David se débattent, regimbent puis renaissent, dans un élan, et un écran de fumée. Tel le supplément d’âme qu’Athéna déposa dans le corps en argile créé par Prométhée.

     Tout est là dans l’histoire que Fergessen a ramenée de son « Far Est » qui les a reconstruits, ensemble : la source qui s’est tarie d’elle-même ne les a pas laissés à court de mots, non, et dans ceux-ci, qu’appuie le rythme quasi-martial de la batterie, il y a toute la vanité du monde, mais pas du leur. On peut imaginer en souriant le sujet concerné, paniqué par ce qui lui est renvoyé avec une telle force : comme un fuyard vers lequel les yeux de la justice seraient enfin tournés.

     Une damnation, disais-je, mais une vraie, une belle, avec des ombres qui chinoisent, peut-être, mais des voix – celles des anges – qui portent.

                                                                                                                                                                                                                                             Laurent Cachard, écrivain.

Dernière parution: « la 3e jouissance du Gros Robert » (Ed. Raison & Passions)

Réalisation STUD-IO, Julien Cuny et Mathias Clavelin.